1978
PAROLES
Ce fut à l'école, déjà,
Qu'on fit de nous des concurrentes
On se regardait chien et chat
On détestait les redoublantes
Souffre-douleur ou bien fayotes
On se poussait toujours plus haut
On s'arrachait les bonnes notes
On pleurait devant le tableau
On aurait pu rester frangines
Ça nous aurait gagné du temps
Au coude à coude, j'imagine
Qu'il n'aurait pas fallu longtemps
Pour qu'on soit toutes aussi bonnes
Malgré les pionnes
Et les parents
Ensuite, en face des garçons
Commença la grande offensive
On se fabriquait des façons
Des rendez-vous sur l'autre rive
Et grande bringue ou Blanche-Neige
C'était à qui amènerait
Tous les boutonneux du collège
À l'accompagner sur le quai
On aurait pu rester frangines
Ça nous aurait gagné du temps
Bras dessus-dessous, j'imagine
Qu'on aurait, de ces débutants,
Avant que la vie les assomme,
Pu faire des hommes
Pas des enfants
Un peu plus tard, c'est la beauté
Qu'on nous érigea en barrière
On se retrouvait insultée
Si on n'était pas la première
Nos amitiés faisaient sourire
Fallait nous crêper le chignon
Et tout ce qu'on pouvait se dire
N'était que fadaises ou chiffons
On aurait pu rester frangines
Ça nous aurait gagné du temps
Main sur l'épaule, j'imagine
Qu'on aurait pu, se regardant,
Voir qu'on était toutes assez belles
Et même celles
Qui ont pas le temps
C'est tout pareil dans nos métiers
On nous oppose et on nous monte
En épingle, pour mieux montrer
Qu'on se trouve en dehors du compte
Pour peu qu'on dépasse la tête
On est toujours une exception
Chacune sur notre planète,
Ce qu'on a pu tourner en rond !
Si on se retrouvait frangines
On n'aurait pas perdu son temps
Unissant nos voix, j'imagine
Qu'on en dirait vingt fois autant
Et qu'on ferait changer les choses
Et je suppose, aussi, les gens
Et qu'on ferait changer les choses
Allez ! On ose
Il est grand temps !
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